« Impact limité du TGV sur l’économie » un article du jounral de Reims l’Union

Impact limité du TGV sur l’économie

Publié le samedi 10 avril 2010 à 11H44 – 
Marie Delaplace, maître de conférences, fait partie d’une équipe de l’Urca chargée de recherches sur les « enjeux et opportunités de la grande vitesse ferroviaire en termes de développement local et de développement durable ».
Cette chercheuse ne dit pas que le TGV n’a aucun impact sur les villes qu’il dessert. Mais elle dit que l’effet n’est ni automatique, ni général, pour le tourisme comme pour l’immobilier.
QUEL impact le TGV a-t-il sur les villes qu’il dessert ? Voilà une question sur laquelle Marie Delaplace ne cesse de réfléchir. Cette maître de conférences fait partie (avec Sylvie Bazin et Christophe Beckerich) d’une équipe de l’Urca (Université de Reims Champagne-Ardenne), l’Omi (organisations marchandes et institutions), actuellement chargée, dans le cadre d’un contrat avec l’État, de recherches sur les « enjeux et opportunités de la grande vitesse ferroviaire en termes de développement local et de développement durable ».
Elle répond à nos questions :
Quels thèmes avez-vous déjà abordés ?
« L’immobilier d’affaires, l’immobilier résidentiel, et le tourisme. »
Le TGV a-t-il donc un impact sur l’immobilier d’affaires ?
« L’idée, c’est de se dire qu’avec l’arrivée du TGV, des entreprises extérieures vont être attirées et vont chercher à s’installer près de la gare. »
Alors, vos conclusions ?
« C’est que cette idée reste, en grande partie, de l’ordre du mythe. Un mythe qui n’est pas nouveau, d’ailleurs, celui des « effets structurants ».
On ne constate rien ?
« Si, quand même ; au Mans et à Reims, on constate qu’il y a construction immobilière de bureaux près de la gare TGV, cela traduit un dynamisme réel, cela veut dire que les promoteurs y croient. D’ailleurs, ce dynamisme est encouragé par les collectivités locales ; mais quand on regarde d’où viennent ces entreprises, on constate, pour Clairmarais à Reims par exemple, qu’elles sont à près de 70 % des entreprises locales : on a donc affaire à une « relocalisation interne » à la ville et non pas à un ajout venu de l’extérieur. C’était vrai avant l’arrivée du TGV, et ça se confirme après. Et si on leur demande pourquoi elles se sont installées là, la grosse majorité répond : à cause de l’offre immobilière. Seulement deux, sur les trente-deux qui nous ont répondu, ont cité parmi les trois principaux facteurs de choix la présence du TGV. J’ajoute que la conjoncture joue aussi un rôle : je pense à la Zac de Bezannes, qui a bien du mal à se remplir, et qui est encore loin d’être effectivement remplie, alors que le TGV y est arrivé depuis déjà plusieurs années, justement parce que la conjoncture est aujourd’hui moins porteuse. » Passons à l’immobilier résidentiel. Impact ou pas impact ?
« L’idée, c’est que la réalisation d’une ligne à grande vitesse aurait tendance à faire augmenter les prix dans les villes desservies. »
Eh bien ?
« Eh bien, dans le cas précis de Reims, nous avons conclu que cette hausse n’était pas généralisée : elle est concentrée uniquement sur les quartiers proches de la gare, Clairmarais, faubourg de Laon… qui, en outre, partaient d’assez bas. L’autre idée, c’était de penser que les Parisiens allaient venir s’installer en province. Or, on constate bien quelque chose, mais qui reste de l’ordre de l’épiphénomène. »
C’est-à-dire ?
« Qu’à Reims toujours, il y a bien eu une hausse de demandes de logements de la part de Franciliens, mais qui n’était, pour les appartements neufs par exemple, que d’un peu plus de 16 % en 2006 (13,2 % pour des acheteurs de l’Ile-de-France et 3,3 % pour des acheteurs de Paris), ce qui ne suffit pas à expliquer une hausse des prix. »
Ressources et… cohésion
Enfin, les éventuels impacts sur le tourisme ?
« Dans le cas de Reims, nous ne sommes pas dans le cas d’une offre touristique liée au cadre naturel : nous n’avons ni mer ni montagne ; reste alors le tourisme vert, mais il est difficilement compatible avec la « rupture de charge » (c’est-à-dire les changements de moyens de transport inévitables ; train + voiture ou train + vélo par exemple) qu’il induit, parce que le TGV arrive en ville, alors que le tourisme « vert » se trouve à la campagne. La ville peut donc jouer sur le tourisme urbain et sur le tourisme d’affaires. Là, on peut dire que le TGV peut dynamiser cette activité à deux conditions : la première, c’est que la ville ait des ressources, en termes de patrimoine, de gastronomie, de culture etc. »
Ce qui est bien le cas de Reims…
« Ce qui est effectivement le cas de Reims ; et la deuxième, c’est que les différents acteurs du tourisme fassent preuve de coordination, de cohérence, tirent dans le même sens… »
Ce qui serait moins le cas ?
« Je vous renvoie aux différents conflits entre le centre des congrès et les agences de voyage, ou plus récemment entre la Ville et l’office du tourisme. Au Mans par exemple, une volonté de coordination s’est manifestée, et les chiffres ont effectivement montré une progression de l’activité touristique, particulièrement pour le tourisme d’affaires. À Tours, en revanche, où cette volonté a manqué, on n’a pas constaté d’évolution significative au moment de l’arrivée du TGV. Pour Reims, tout l’enjeu, donc, est de construire des actions coordonnées en son sein, mais également avec Epernay. »

Antoine PARDESSUS

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