Ligne Paris-Normandie : se préparer maintenant (Ouest-France)

Un train rapide à 250 km/h sur une voie nouvelle ne suffit pas. Villes et territoires doivent avoir des projets dès maintenant. Caen, Rouen et Le Havre feraient bien de s’inspirer de Metz et Reims pour le TGV Est.

Après douze soirées locales, Caen inaugurait mardi une nouvelle série thématique du débat public sur la ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN). Sujet de la soirée : l’aménagement du territoire, avant le financement (ce soir à Rouen) et le fret (le 12 janvier au Havre). Ou comment les Normands doivent se préparer dès maintenant à accueillir un train Paris-Cherbourg plus rapide sur une ligne nouvelle. Un représentant de la Datar (Délégation à l’aménagement du territoire et à lattractivité régionale) a commencé par expliquer combien en se rapprochant à 1 h 30, 1 h ou 30 minutes de Paris, la vie, l’image et l’attractivité d’une région et d’une ville s’en trouvaient changées.

Metz mais surtout Reims ont anticipé l’arrivée du TGV Est, investissant des millions d’euros dans la communication… amortis aujourd’hui. Elles ont vu apparaître ces « navetteurs », ces hommes et femmes qui vont travailler tous les jours à Paris. Avec le risque de devenir des cités dortoirs. Les quartiers de gares, autrefois lieu de passage pas toujours bien fréquentés, deviennent des centres d’affaires et commerciaux. Il y a un boom de l’urbanisme. Le foncier augmente… Mais à condition de ne pas rester inactifs. Un représentant de la CCI de Dieppe, présent à Caen, qui s’inquiétait que la Côte d’Albâtre soit à l’écart de cette ligne, s’est entendu répondre : « C’est à vous d’avoir des projets locaux ! »

Manque de souffle

Mais il y a aussi les perdants du TGV, comme le relève Jean-François Troin de la Fédération des usagers des transports (Fnaut) : des villes secondaires jusqu’à 50 000 habitants restent à l’écart de la carte ferroviaire. Et elles sont nombreuses en Normandie : Évreux, Bernay, Lisieux, Dives-Cabourg, Carentan, Valognes… Pour prévenir ce danger, tout le monde souhaite « une irrigation des territoires avec un réseau secondaire fort », comme les TERGV entre Londres et le Kent. Ces trains express régionaux à grande vitesse, rapides, réguliers et confortables, relient la ligne à grande vitesse principale. Des « cabotages intervilles », pour ne laisser personne sur les quais des petites gares. Autre revers de la médaille dans une Normandie touristique : « Avec les allers-retours en train devenus possibles dans la journée, les hôtels perdent des nuitées. »

Ce deuxième débat à Caen a pour le reste laissé une impression étrange. Tout le monde est pour cette LNPN (élus, CCI… sauf les écologistes) mais on ne sent pas le souffle et la mobilisation suffisants. Laurent Beauvais, président de la Région, et son vice-président aux transports Pierre Mouraret, ne sont restés qu’une heure sans intervenir. Philippe Duron, député-maire de Caen, s’est opposé à un compromis entre les tracés A et B dans un nouveau scénario AB qui passerait par Évreux « mais qui remet Caen à 1 h 45 de Paris sans un kilomètre de ligne nouvelle en Basse-Normandie ». Le maire d’Évreux, deux rangs derrière, a sûrement apprécié. Ce nouveau tracé, « sorti du chapeau de RFF », est moins cher « parce qu’il traverse trois vallées au lieu de cinq et évite une forêt », confirme Jean-Damien Poncet, de Réseau ferré de France. Mais il faudra alors s’entendre sur la gare de débranchement entre Louviers et Val-de-Reuil. Un problème à résoudre chasse l’autre.

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